Ursula von der Leyen annonce un plan de relance historique
La Commission européenne annonce un plan de de relance sans précédent de 750 Milliards d’€
Ursula von de Leyen, Présidente de la Commission européenne, a présenté hier un plan de relance de 750 milliards d’€ « Next Generation EU » auprès du Parlement européen. Celui-ci vient répondre aux difficultés économiques de l’UE à la suite de la crise sanitaire du Covid-19. L’Italie et l’Espagne en seraient les premiers bénéficiaires.
Une annonce historique
« Nous sommes confrontés à un moment qui va nous définir. Ce qui était un virus si petit nous confronte à une crise économique d’une ampleur sans précédent », a expliqué la présidente de la Commission face aux eurodéputés. Elle a appelé à « faire un pas en avant pour les générations à venir », un futur « qui sera vert, numérique et résilient » selon elle, et non pas de rester dans une position de « nantis ». Il faut montre que « l’Europe est forte ».
Cette annonce est un saut politique en avant qui était encore impensable il y’a quelques mois. C’est la première fois que l’UE pourrait émettre une dette mutualisée. Les états les plus riches accepteraient de s’endetter collectivement pour aider les plus impactés par la crise sanitaire. Pour l’Allemagne, c’est le signe que le pays a évolué sur le sujet.
Ce nouveau fonds viendrait s’adosser au projet de budget pluriannuel européen d’environ 1.100 milliards d’euros pour la période 2021-2027, réévalué par la Commission, qui s’attend à une récession « historique » (- 7,4 % en 2020, suivi d’un rebond de + 6,1 % en 2021).
De l’argent pour qui, pour quoi ?
Concrètement, la Commission prévoit d’emprunter sur les marchés au nom de l’UE pour abonder le budget européen. L’argent sera utilisé pour renforcer certains programmes et en créer d’autres pour faire face à la crise. Dans le détail, c’est un plan de relance massif qui a été annoncé. 750 milliards d’€ pourrait être emprunté par la Commission européenne qui les redistribuerait aux pays les plus touchés. 172 milliards d’€ pourraient être accordés à l’Italie, 140 milliards pour l’Espagne. La France quant à elle pourrait recevoir 39 milliards d’€. Pour en bénéficier, les pays devront proposer un plan d’investissements et de réformes compatibles avec les objectifs du Green Deal, la transition écologique et une plus grande souveraineté européenne. Le Conseil européen devra valider les plans nationaux pour s’assurer que les fonds seront bien destinés aux objectifs partagés des européens.
Outre les États membres, le fonds de relance servira également à soutenir les entreprises (avec le concours des prêts de la Banque européenne d’investissement). Un volet est aussi prévu pour créer et améliorer la réactivité des outils européens de lutte contre les crises. Il s’agit là de constituer des stocks de matériel, de former des équipes opérationnelles, d’améliorer l’entraide entre les États, de sorte que, lors de la prochaine crise, l’UE ne soit pas prise au dépourvu et dépendante de commandes en Asie.
Next Generation UE viendrait également injecter de l’argent dans le budget classique à travers les programmes de l’UE. Les fonds de cohésion bénéficieraient de 55 milliards d’€ de plus entre aujourd’hui et 2022, et le fonds de transition juste de 40 milliards d’€ supplémentaires. La PAC quant à elle pourrait voir son volet « développement rural » renforcé de 15 milliards d’€.
Deux tiers de cet emprunt (500 milliards) seraient des dotations, alors que le dernier tiers (250 milliards) seraient emprunté sous forme de prêt. La création de ce fonds de relance s’ajoute aux mesures d’urgences, à hauteur de 540 milliards d’€ (sous forme de prêts), que l’UE a déjà décidées et aux 1.000 milliards d’€ que la BCE s’est engagée à injecter dans le système financier.
Financer la dette
Sur les 750 milliards d’euros empruntés, il faudra donc trouver les moyens de rembourser les 500 milliards de subventions que la Commission aura accordé. A cette question, la Présidente ne répond pas pour le moment. Elle prévoit de commencer à payer la dette en 2028, et ce jusqu’en 2058. Cela laissera le temps de discuter du sujet avec les Etats membres.
« Soit on augmente les contributions nationales des Vingt-Sept, soit on réduit les dépenses européennes, soit on trouve des “ressources propres” à l’Europe, comme une taxe digitale ou une partie des droits d’émission de CO2 », explique un haut fonctionnaire de la Commission. Ce qui voudrait dire qu’une partie du budget européen ne dépendrait plus des Etats et que la Commission lèverait elle-même des impôts. Une révolution, dont les pays du Nord ne voulaient pas entendre parler jusqu’ici et sur laquelle l’Allemagne a également donné des signes d’évolution.
Un compromis politique incertain
Le Président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel ont opéré ce tournant historique. Si le plan est accepté, il sera le plus gros plan de relance jamais lancé par l’UE. Toutefois, pour obtenir la validation de ce plan massif, c’est l’ensemble des états membres qu’il faudra convaincre et la tâche s’avère difficile. Le plan présenté hier par la Présidente de la Commission est un compromis entre la proposition franco-allemande de dette mutualisée et celle des pays les plus réticents qui souhaitent des prêts remboursables. En février déjà, les 27 avaient échoué à se mettre d’accord sur un budget de l’ordre de 1.000 milliards d’euros pour la période 2021-2027. La crise sanitaire et économique a accentué les divisions entre pays du Nord et pays du Sud, les plus touchés par la pandémie. Les plus austères (Pays-Bas, Autriche, Danemark et Suède), souhaitent un soutien financier qui reposent uniquement sur des prêts qui devront donc être remboursés, et refusent le principe de subventions. Ils ne manqueront pas d’exiger de la part des pays bénéficiaires des contreparties comme des efforts de consolidation budgétaire et de compétitivité économique.
La chancelière Angela Merkel a d’ores et déjà écarté l’hypothèse d’un accord politique lors du prochain conseil européen, prévu le 18 juin. Une fois conclu, l’accord sera soumis au vote du Parlement européen. Quoiqu’il advienne, le nouveau budget n’entrera en vigueur qu’en 2021, il faudra donc trouver une solution pour disposer de financements dès l’automne pour soutenir les économies menacées de récession. La France espère un accord début juillet afin d’apporter une réponse rapide à la crise sanitaire.
Pour le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, le plan est « une base de négociations » où « la part entre prêts et subventions » doit notamment être discutée. « Au nom de notre responsabilité vis-à-vis de nos contribuables, nous nous positionnons clairement en faveur de prêts », a réaffirmé M. Kurz.
Favorable à un plan basé uniquement sur des prêts, Copenhague considère également que l’annonce de la Commission marque le « début des négociations ». Mais, « en fin de compte, nous devons trouver un compromis acceptable pour tous. Ce ne sera donc vraiment pas facile », a prévenu le ministre danois des affaires étrangères, Jeppe Kofod. Un plan de relance est nécessaire pour « aider à remettre sur pied les économies » européennes, a aussi admis le premier ministre suédois, Stefan Lofven, tout en estimant « surprenant » le montant prévu de subventions assorties d’« aucune demande de remboursement ».
Les négociations ne font que commencer.